Marre de Pete Doherty
Inutile de dire que j’aurais préféré chroniquer le troisième album des Libertines. Inutile, mais je l’ai dit. O.K., je ne suis pas à une contradiction près. En effet, je m’apprête à pousser un coup de gueule sur le ‘phénomène médiatique Pete Doherty’ mais finalement, qu’est-ce je fais ? J’écris sur Pete Doherty, je parle de Pete Doherty : je fais comme font tous ceux qui n’ont que ces deux mots à la bouche : Pete Doherty.
Pourtant, j’étais prévenue : mon premier contact avec Doherty a été la couverture du Rock&Folk d’avril 2005, celle où, en travers de sa photo est tirée une large bande sur laquelle est écrit en lettres majuscules INTERDIT. Ils savent y faire : ça interpelle ! Bref, il était évidemment question de drogue, de Kate Moss, de Max Carlish, le documentariste qu’il a frappé et qu’il aurait fait chanter… et la musique dans tout ça ?
Après la lecture de cet article, j’ai oublié Doherty pendant trois mois. Puis il m’est revenu. Son torse, plutôt : en couverture des Inrocks 2, intitulé ‘Le retour du rock’. Son torse, oui oui : de son menton à son caleçon. Alors là, on se demande : c’est ça, le retour du rock ? Un torse tout maigrichon tout pâlichon, quelque cicatrices, un chapelet et les mots Baby Shambles autour du téton droit ? Le retour du rock, c’est Pete Doherty ? Pete Doherty, le type qui a tué les Libertines ? Ah pardon, c’est vrai : il n’y est pour rien si les autres membres du groupe ne voulait pas d’un junkie pareil pour chanteur et guitariste… Oui, parce que Doherty est musicien ; vous le saviez ?
« Car si Pete Doherty doit être retenu pour quelque chose, c’est simplement sa voix : une des plus bouleversantes que l’Angleterre à guitares ait offertes ces dernières années. » (Les Inrocks 2) O.K. Là, en juillet, enfin, j’ai découvert quelque chose de fort.
C’est de là que vient mon coup de gueule. Et si, au lieu de nous noyer sous les ragots, les médias nous parlaient simplement musique ? Et si, au lieu de nous soûler avec les Baby Shambles qui se séparent ou non, virent leur batteuse, n’assurent pas leurs concerts, n’assurent pas en concert (sauf Pete, bien évidemment : il est tellement parfait, Pete !)… et si, au lieu de tout ça, les journaux laissaient quelques pages à d’autres groupes méconnus mais méritants ? Oui, quelle douce rêveuse je fais… Mon univers intérieur est si merveilleux : un monde où les chanteurs égocentriques et avides de gloire se contentent de faire de la bonne musique pour attirer toutes les attentions, un monde où les journalistes ne joueraient pas le jeu des égocentriques en manque de gloire…
Bien sûr, en vivant dans un monde pareil, comment puis-je comprendre quelque chose au rock ? Ou à la rock-attitude ? Celle qui consiste à se droguer jusqu’à l’overdose, à massacrer des chambres d’hôtels et à sauter des lots de groupies… (toute ressemblance avec la vie de Pete Doherty serait fortuite) (c’est vrai, en plus !) Et se droguer pour être créatif, bien sûr. Doherty chanterait-il comme il le fait, écrirait-il les morceaux qu’il a écrits s’il n’était pas en proie à ces poussées d’autodestruction ? Evidemment, je n’ai pas la réponse. Personne ne l’a ; il ne l’a peut-être pas lui-même. Seulement, dans mes meilleurs moments, j’ose espérer qu’à l’origine du deuxième album des Libertines, il y a aussi autre chose. La musique, simplement. Le talent. Les hauts et les bas de la relation haine/amour entre Carl & Pete.
Et vous, vous n’en avez pas marre de Pete Doherty ? Comment ça vous ne connaissez pas Pete Doherty ? Avec tout ce que tout le monde raconte sur lui ? Ah, d’accord.
Probable que si je ne voulais plus entendre parler de lui, je ne lirais plus les magasines concernés, je ne visiterais plus les sites concernés. Possible que je le cherche un peu. Certainement que mon rythme cardiaque accélère sensiblement quand j’entends les premières notes de The Man Who Would Be King, encore plus sensiblement quand la voix de Pete s’élève :
I’ve been told if you want to make it in this game You got to have the luck You got to have the look
To make what I quite like to make it through the night
My heart beats slow fast, I don’t feel right
With a sleight of hand I might die...
Incontestablement, je ne peux pas m’en passer.
Et alors ?